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Découverte d’un gène impliqué dans l’anxiété et la mémoire


​​​​​Des chercheurs de Mircen participent à une étude publiée dans Brain, montrant sur un modèle souris le rôle d'un gène, DLCK3, dans la modulation de l'anxiété et de la mémoire. Ce résultat est un pas important dans la compréhension de maladies psychiatriques, auxquelles étaient associées jusqu'alors de nombreuses mutations de gènes, dont DLCK3, sans qu'un rôle précis puisse pour autant leur être attribué. 

Publié le 6 mars 2025

​Les causes des pathologies psychiatriques telles que la dépression, les troubles anxieux, les désordres compulsifs obsessionnels et la schizophrénie sont encore très mal comprises. Ces pathologies seraient liées à un terrain génétique qui renforcerait la sensibilité d'un individu à différents facteurs environnementaux et à son histoire personnelle. Des modifications subtiles de certains gènes ont été identifiées chez les patients. Ces gènes ne sont pas directement responsables des troubles, mais agiraient plutôt comme des « facteurs de risque ».
Dans une étude publiée dans la revue Brain, une équipe de chercheurs du CNRS et du CEA (MIRCen) s'est intéressée au gène codant la protéine DCLK3 (Doublecortin-like kinase 3), une enzyme appartenant à la grande famille des kinases. Celle-ci avait été précédemment étudiée dans le cadre de la maladie de Huntington, une maladie neurodégénérative héréditaire. Pour mieux comprendre sa fonction neurobiologique, les chercheurs ont créé un modèle souris chez qui l'expression de ce gène peut être inactivée à différents moments du développement et dans différentes régions du cerveau.

Inactivation dès la naissance de DCLK3 : un lien avec l'anxiété
L'étude du comportement de ces souris révèle que l'inactivation de DCLK3 ne produit pas d'atteintes majeures de la structure du cerveau, ni d'atteintes notables de la motricité, de la capacité à apprendre une tâche, ou encore de dérèglements du cycle veille-sommeil. En revanche, chez les souris mâles, l'inactivation du gène dès leur naissance est associée à un comportement anxieux, uniquement dans des situations nouvelles et légèrement stressantes (lors de déplacements en hauteur, lorsqu'elles doivent nager sur une distance de quelques dizaines de centimètres). Cette anxiété disparaît néanmoins après quelques expositions répétées à ces situations.
Egalement chez la souris mâle, l'analyse du cerveau par une méthode non-invasive, la spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (MRS) à très haut champs, montre que les modifications comportementales sont liées à des modifications du métabolisme cérébral, qui rappellent celles observées chez les patients souffrant d'anxiété chronique.

Inactivation de DCLK3 à l'âge adulte : des troubles de la mémoire
L'inactivation soudaine de DCLK3 chez les souris à l'âge adulte, spécifiquement dans l'hippocampe, induit des troubles de la mémoire. Elles apprennent normalement à se repérer dans leur environnement, mais oublient rapidement après quelques jours sans entraînement. Cette observation est associée à des changements majeurs dans l'expression des gènes de l'hippocampe, notamment une augmentation des récepteurs du GABA et une diminution de l'expression de gènes liés à la plasticité synaptique.

La création d'un modèle souris chez qui l'expression de DCKL3 peut être inactivée a permis de mieux comprendre le rôle biologique de ce gène. Cette étude démontre son implication déterminante dans l'adaptation du cerveau à de nouvelles situations stressantes, ainsi que dans les processus liés à la mémoire. Elle renforce l'hypothèse d'un rôle clé de DCLK3 dans certaines pathologies neurodégénératives et certains troubles psychiatriques.

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© Lucie de Longprez et Emmanuel Brouillet

Figure : Caractéristiques des souris inactivées pour le gène DCLK3.

A. Les souris mâles, dont le gène Dclk3 a été inactivé depuis la naissance, bien que n'ayant pas d'anomalie neuro-anatomique, présentent des signes d'anxiété accrue lorsqu'elles sont exposées à des situations nouvelles anxiogènes. Les souris femelles n'ont pas ce phénotype « anxieux ». Les souris mâles inactivées pour DCLK3 présentent également des altérations du métabolisme cérébral. 

B. Lorsque DCLK3 a été inactivé uniquement dans l'hippocampe à l'âge adulte, la capacité des souris à retenir une information spatiale est très fortement réduite comparée aux souris témoins. Chez ces souris, on observe une diminution de l'expression de nombreux gènes connus pour jouer un rôle majeur dans la plasticité synaptique et la mémoire. L'inactivation de DCLK3 conduit, parallèlement, à une augmentation de l'expression de gènes codant pour le récepteur GABA.

Contact : karine.cambon@cea.fr​ 



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