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Mystérieux télomères : un mécanisme de protection décrypté


Les mécanismes qui contrôlent la stabilité des télomères, aux extrémités des chromosomes, sont en grande partie inconnus. Des chercheurs de l'iRCM (CEA-Jacob) et de l'I2BC (CEA-Joliot) décryptent l'un d'entre eux chez la levure. Les résultats, publiés dans Nature Communications, ouvrent la voie à l'identification de nouvelles cibles thérapeutiques contre la prolifération des cellules cancéreuses chez l'Homme.  

Publié le 27 mai 2021

​Notre information génétique, portée par l'ADN des chromosomes, est précieuse puisqu'elle doit être lue et utilisée par les cellules, mais aussi transmise à l'identique à notre descendance. Pourtant, notre ADN est constamment soumis à des modifications : erreurs de copie lors de la réplication, accidents spontanés ou induits par des stress cellulaires. La très grande majorité de ces modifications est repérée et rectifiée, le plus fidèlement possible, par les différents systèmes de réparation qui scrutent en permanence les molécules d'ADN, garantissant l'intégrité de l'information.

Les extrémités des chromosomes, appelées télomères, sont des régions particulières qui comportent des séquences répétitives dont le rôle est de protéger l'information génétique au fur et à mesure des divisions cellulaires. La longueur de ces séquences est finement contrôlée pour maintenir un équilibre entre vieillissement cellulaire et risque de prolifération incontrôlée, caractéristique des cellules cancéreuses. De nombreuses protéines sont présentes au niveau des télomères pour participer au maintien de cet équilibre et assurer leur stabilité, mais les mécanismes impliqués, multiples, restent encore en grande partie inconnus.

Dans une étude parue dans Nature Communications, des chercheurs du Laboratoire Télomères et Réparation du chromosome de l'UMR Stabilité Génétique Cellules Souches et Radiations (iRCM / CEA-Jacob) et de l'équipe Enveloppe Nucléaire, Télomères et Réparation de l'ADN (I2BC / CEA-Joliot) décryptent l'un des mécanismes de protection des télomères.

Chez la levure Saccharomyces cerevisiae, le complexe Mre11-Rad50-Xrs2 (MRX) est impliqué dans le contrôle de la longueur des télomères, et joue par ailleurs un rôle fondamental dans la réparation des cassures double brins de l'ADN. Pourtant, en tant qu'extrémités naturelles des chromosomes, les télomères ne doivent être ni reconnus ni réparés comme des cassures de l'ADN, afin d'éviter leur fusion avec d'autres télomères ou la dégradation de séquences internes : le complexe MRX doit donc être spécifiquement inhibé au niveau des télomères, mais rester activé partout ailleurs.

Dans leur étude, les chercheurs du CEA démontrent que la protéine Rif2, présente aux télomères et connue pour bloquer leur élongation, est capable de fixer MRX grâce à un petit motif de 26 acides aminés. Cette liaison, qui ne peut avoir lieu qu'au niveau des télomères où le motif est suffisamment concentré, est suffisante pour empêcher MRX de s'accrocher à l'ADN, prévenant ainsi les risques de fusion spécifiquement au niveau des télomères. Grâce à des approches génétiques in vivo, guidées par des prédictions structurelles in silico, les chercheurs ont identifié précisément les résidus du complexe MRX impliqués dans son interaction avec Rif2, et donc essentiels à son inhibition.

  

Etudes de modélisation in silico prédisant les structures tridimensionnelles les plus favorables et les acides aminés impliqués dans les interactions entre protéines. Ici, un petit motif (en vert, au milieu) de la protéine Rif2 est suffisant pour la liaison à MRX (en bleu, orange et jaune), et son inhibition.


Les études de modélisation basées sur ces résultats ont permis d'aller plus loin dans la compréhension du mécanisme, et de proposer un modèle selon lequel la liaison de MRX avec Rif2 favorise une structure tridimensionnelle de MRX incapable de se fixer aux télomères, les protégeant ainsi contre une action incontrôlée du complexe. 

Les chercheurs s'intéressent maintenant à la prochaine étape : utiliser les connaissances acquises chez la levure, modèle de choix pour les études génétiques, pour identifier les mécanismes équivalents chez l'Homme. Ainsi, des travaux sont actuellement en cours pour étudier une éventuelle conservation du mécanisme décrit chez la levure, et investiguer les voies d'inhibition du complexe MRN, l'homologue humain de MRX. Le complexe MRN pourrait ainsi représenter une nouvelle cible thérapeutique contre la prolifération incontrôlée des cellules cancéreuses.


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