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Génomique des plantes

Triticum spp, culture du blé. Séquençage du chromosome 3B


​La domestication et la culture du blé (blé tendre et blé dur) a été un élément fondateur des premières civilisations humaines dans le croissant fertile. Pour préparer le séquençage complet du génome, le Genoscope a séquencé le chromosome 3B en collaboration avec l'INRA Clermont-Ferrand

Publié le 14 septembre 2018
Triticum spp, culture du blé. Séquençage du chromosome 3B

En plus de son intérêt comme une des principales céréales apportant l’énergie dans l’alimentation, le blé est aussi "la première source de protéines dans les pays en voie de développement".

Les réserves mondiales de blé sont en nette diminution (FAOSTAT database). Par conséquent, il est important d’améliorer la rusticité et la qualité nutritionnelle du blé et cela dans une perspective d’agriculture durable, plus économe en intrant et plus respectueuse de l’environnement. La France, considérée comme le grenier de l’Europe pour le blé tendre, est un des principaux producteurs du blé.


Outre son importance économique nationale et internationale, le blé présente de nombreuses particularités scientifiques qui en font un modèle intéressant pour l’étude de l’organisation et l’évolution des génomes des plantes (monocotylédones), dans différents contextes de polyplo&iauml;die ainsi que sous la pression de la domestication et de la sélection.

Evolution dynamique du génome du blé

Le génome du blé semble avoir été « envahi » par les éléments transposables (principalement retroéléments) qui constituent la majeure partie de ce génome (80-90%). Par ailleurs, les gènes ne semblent pas être distribués de façon homogène sur le génome du blé, mais plutôt regroupés en îlots ou régions dites riches en gènes.


De nombreuses études et analyses tendent à montrer un processus d’évolution dynamique du génome du blé impliquant des mécanismes conflictuels d’expansion et de réduction du génome (Petrov 2001, Bennetzen, 2002). Les mécanismes d’expansion des génomes sont souvent dus à l’invasion du génome par des transposons et des rétrotransposons ainsi que des duplications de grands fragments génomiques (Revue : Bennetzen 2002 ; Wicker et al. 2003b). les mécanismes qui conduisent à la réduction des tailles des génomes ou élimination des séquences sont souvent dus à des événements de recombinaisons inégales intra ou inter rétrotransposons et de délétion des séquences répétées (Revue : Bennetzen 2002). Contrairement aux petits génomes, comme celui d’Arabidopsis, de la vigne ou du riz, celui du blé semble présenter une évolution dynamique particulière. Son étude fine doit permettre de mieux comprendre les conséquences de cette "stratégie évolutive" particulière.

Modèle d’étude des mécanismes de polyploïdisation

Un des principaux résultats des programmes de séquençage des génomes des eucaryotes fut la découverte que les espèces considérées comme typiquement diploïdes (levure, Arabidopsis thaliana et même l’homme) sont en fait des anciens polyploïdes (paléopolyploïdes) qui ont eu au cours de leur évolution de nombreux cycles de polyploïdisation et doublement chromosomique (Revue : Wolfe, 2001).

La polyploïdie joue un rôle très important dans l’évolution des eucaryotes et constitue ainsi un mécanisme important de diversification et génération de variabilité génétique. La majorité des plantes, y compris les plantes cultivées, sont des polyploïdes soit relativement récents (comme le colza, le blé, le cotonnier, la pomme de terre, la luzerne), soit anciens, retenant encore des « vestiges » d’événements de polyploïdisation plus ancestraux (le maïs, le soja, le chou).

Les raisons du « succès » de la polyploïdie chez les plantes ne sont pas claires. Pour s’établir comme des nouvelles espèces, les polyploïdes nouvellement formés doivent en effet supporter des biais d’appariement et de ségrégation chromosomique (Comai et al., 2000 ; Ozkan et al., 2001).

Le blé hexaploïde (Triticum aestivum) est issu de deux événements de polyplo&iauml;disation relativement récents entre trois espèces diploïdes bien identifiées. Le premier événement, impliquant Triticum monococcumet (putativement) Aegilops speltoides, a eu lieu il y a environ 0,5 million d’années et a conduit à l’apparition du blé dur (Triticum dicoccoïdes). Le deuxième événement de polyploïdisation a eu lieu il y a environ 9 000 ans entre le blé dur (tétraploïde) et un troisième diploïde (Triticum tauschii). 

Le blé peut constituer un excellent modèle d’étude de la polyploïdie et de son effet sur l’évolution des gènes et des séquences chez les plantes. En effet, en plus des polyploïdes naturels, il est possible de « synthétiser » des nouveaux blés (Triticum) ayant différents niveaux de polyploïdie par croisement entre différentes Triticées diploïdes.

De nombreuses études conduites ces dernières années sur des polyploïdes naturels et synthétiques du blé ont porté sur la caractérisation de l’effet direct de la polyploïdie sur l’évolution et la régulation de l’expression des gènes. Des réarrangements dans les séquences non codantes ont été observés dans les polyploïdes synthétiques de Triticées et supposés comme contribuant au processus de stabilisation génomique (Feldman et al., 1997 ; Liu et al., 1998 ; Ozkan et al., 2001 ; Shaked et al., 2001).

D’autres études plus récentes ont montré l’effet de la polyploïdie sur la régulation de l’expression de plusieurs gènes (utilisant des approches de cDNA-AFLP comparatifs) chez des tétraploïdes synthétiques de Triticées (Kashkush et al., 2002, 2003). Cette régulation de l’expression est en partie due à des phénomènes épigénétiques et de silencing mais aussi à des excisions de gènes et séquences. Ceci suggère que des pertes de gènes (Feuillet et al., 2001 ; Gautier et al., 2000 ; Gornicki et al., 1997) peuvent être le résultat d’une évolution ou divergence à l’échelle de temps des génomes mais aussi d’une évolution rapide par élimination de séquences suite à la polyploïdisation.

L’effet de la polyploïdie sur l’évolution des génomes peut aussi être apprécié par analyse comparative de séquences génomiques d’espèces phylogénétiquement proches et ayant différents niveaux de polyploïdie. Un exemple assez illustratif a été récemment décrit autour d’un locus codant pour des gluténines de faible poids moléculaire (FPM) chez les Triticées. Le génome Am de Triticum monococcum contient 3 copies dupliquées en tandem au niveau de ce locus, alors que le génome Ad du tétraploïde T. durum contient une seule copie (Wicker et al., 2003a). Plus étonnant, en dehors des séquences des gènes de gluténines-FPM, le reste des régions comparées ne montrent pas d’homologie (Wicker et al., 2003a).

Evolution sous pression de domestication et sélection

Les blés ont subi une domestication avec différentes pressions de sélection, les faisant passer de graminée sauvage à l’espèce cultivée avec le niveau de production actuel. Un séquençage partiel permettrait de comprendre comment se manifestent ces pressions de sélection au niveau du génome et en liaison avec le processus général d’adaptation à la récolte, d’adaptation aux grandes régions géographiques, aux stress environnementaux, aux diverses utilisations de la récolte.

L’analyse de séquences de régions représentatives du génome devrait permettre de recueillir des informations scientifiques permettant d’apprécier de façon statistique les effets respectifs de la polyploïdisation, de la domestication et de la sélection, et ainsi d’augmenter les connaissances sur l’organisation du génome du blé et les inférences sur l’expression des gènes.

Le projet de séquençage

Le projet de séquençage porte sur des régions représentatives du génome du blé afin de comparer les différentes espèces de Triticum diploïdes (T. monococcum et T. taischii), tétraploïdes (T. durum) et hexaploïdes (T. aestivum). Le projet se fera en utilisant les ressources de banques BAC françaises du blé hexaploïde (Renan et Chinese Spring) et les banques BAC chromosomes spécifiques (URGV), ainsi que les ressources BAC des espèces diploïdes et tétraploïdes fournies par l’université de Davis et le CSIRO. Ces différentes banques BAC sont constituées de plus de 3 millions de clones au total. Elles ont été organisées de manière à facilement les exploiter et identifier les clones d’intérêt soit par PCR sur pools de clones BAC, soit par hybridation sur des filtres haute densité en 6 x 6 (42 600 clones en dupliquât par filtre de 22 x 22 cm).

Le Genoscope entreprend le séquençage comparatif des régions portant des gènes et séquences d’intérêt qui ont joué un rôle clé dans la domestication du blé et contribué ainsi à la fondation des premières civilisations humaines. Environ 100 clones BAC d’une taille moyenne de 130 kb seront nécessaires pour ce projet (6 clones BAC par région) ce qui amène à un volume de séquencage d’environ 20 000 lectures.

La finition des séquences sera assurée au Genoscope.​

C​e projet vise à l’obtention d’environ 300 marqueurs polymorphes pour chacune des trois espèces (Triticum urartuTriticum speltoides et Triticum tauschii) ancestrales du blé tendre (Triticum aestivum). Ce nombre de marqueurs, ajoutés à ceux déjà disponibles, permettra une couverture d’environ un marqueur polymorphe tous les 10 cM en moyenne.

Ce programme est réalisé en collaboration avec l’équipe de M. Bernard (Unité de Marquage Moléculaire des Céréales, INRA Clermont-Ferrand).