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Laboratoire

Génomique et Biochimie du Métabolisme

L'étude de la fermentation de la biomasse cellulosique


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Publié le 7 décembre 2018
Study of the fermentation of cellulose biomass

Notre recherche se concentre sur la biologie des systèmes et l'ingénierie génétique des Clostridia qui fermentent la biomasse végétale. C'est un groupe de bactéries anaérobies, gram-positives qui jouent un rôle important dans le cycle du carbone environnemental et la santé humaine. Nous étudions leur biologie moléculaire en utilisant des méthodes à haut débit, y compris le séquençage des génomes, le profilage d'expression (transcriptomique, protéomique, et métabolique), et la modélisation informatique. En parallèle, nous développons des méthodes d'ingénierie génomique chez les Clostridia afin de tester les prédictions provenant de nos expériences en biologie des systèmes et de créer des souches avec de nouvelles propriétés intéressantes. Notre objectif est de comprendre la biologie de ces bactéries et de traduire cette connaissance en applications dans la médecine, la gestion environnementale, et les énergies renouvelables.

Une approche interdisciplinaire pour étudier la fermentation végétale

Les bactéries qui fermentent la biomasse végétale sont importantes pour le cycle du carbone environnemental, la nutrition humaine et la production industrielle de biocarburants et de produits renouvelables. Par exemple, le recyclage de la biomasse végétale par des microbes est un élément majeur du cycle global du carbone (Leschine 1995) ; les bactéries intestinales fermentent la fibre non digestible des plantes en acides gras à chaîne courte qui constituent 60 à 85% des calories chez les ruminants et 5-10% chez les humains (McNeil, 1984). Or seulement 2% de la biomasse cellulosique est actuellement utilisée par l'homme, elle représente une vaste ressource potentielle que les microbes industriels pourraient convertir en biocarburants et bioproduits (Pauly & Keegstra, 2008). Parmi ces microbes, les Clostridia ont l'intérêt particulier d'être un groupe dominant dans le microbiome intestinal humain (El Kaoutari et al, 2013) et ils sont parmi les meilleurs candidats pour la transformation industrielle de la biomasse cellulosique (Lynd et al, 2002). Nous développons une approche intégrée pour comprendre comment les Clostridia ont évolué pour fermenter la biomasse végétale efficacement.

              

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Représentation artistique de la dégradation de la cellulose


Biologie des systèmes de la fermentation cellulosique

Notre recherche se concentre principalement sur le modèle microbien Clostridium phytofermentans, un mésophile des sols forestiers qui fermente des composants de la biomasse (cellulose, hémicelluloses, les pectines et amidon) en éthanol et hydrogène (Warnick et al, 2002 Tolonen et al, 2013). Le génome de C. phytofermentans code pour 171 enzymes qui dégradent les polysaccharides (CAZymes), soulignant l'ensemble complexe d'enzymes nécessaires pour transformer la biomasse en sucres. Nous cherchons à comprendre les systèmes qu'utilisent C. phytofermentans pour fermenter la biomasse en combinant les mesures à haut débit de l'expression des gènes comme la protéomique (Tolonen and Haas, 2014), la transcriptomique (Boutard et al, 2014), et la métabolomique avec des analyses de la croissance, la fermentation et la microscopie (figure 1A). Cette approche sert à identifier des enzymes clés qui nous permettent de reconstituer des voies métaboliques impliquées dans la fermentation des polymères végétaux (Figure 1B). Nous appliquons actuellement ces ensembles de données 'omiques' pour construire des modèles informatiques de prévision, pour guider nos efforts d'ingénierie génomique afin de créer des souches qui fermentent la biomasse plus efficacement.


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​Fig 1:

A. Approche de la biologie des systèmes pour étudier la bioconversion cellulosique. Les cultures métabolisant différents substrats de biomasse sont examinées pour la croissance, la consommation de la biomasse, les produits de fermentation, la morphologie cellulaire et l'expression des gènes. Image de Tolonen et al, 2011

B. Les données physiologiques et moléculaires sont intégrées pour identifier des enzymes clés pour la dégradation et la fermentation de la biomasse. Image de Boutard et al, 2014.

L'ingénierie génomique des clostridia

Alors que les Clostridia sont étudiés depuis le XIXe siècle (Duerre, 2005), un manque de méthodes pour leur manipulation génétique a empêché leur utilisation en biotechnologie. Nous développons des méthodes pour manipuler expérimentalement l'expression des gènes chez les Clostridia. L'ADN plasmidique peut être efficacement transféré à C. phytofermentans et d'autres Clostridia par conjugaison interspécifique avec E. coli. Nous avons constaté que le transfert d'un plasmide réplicatif pQexp permet l'expression des gènes hétérologues. Un plasmide pQint portant un intron de groupe II (figure 2A) peut être ciblé pour insérer n'importe où dans le chromosome (figure 2B). Dans une première étude (Tolonen et al, 2009), nous avons inactivé le gène cphy3367, pour créer une souche mutante (AT02-1) qui pousse normalement sur la plupart des sources de carbone, mais a complètement perdu la capacité de dégrader la cellulose (figure 2C). Bien que C. phytofermentans exprime de nombreuses CAZymes sur la cellulose, une seule enzyme est donc essentielle pour la dégradation de la cellulose. Nous avons récemment constaté que les souches mutantes de C. phytofermentans qui ont perdu une des deux CAZymes les plus fortement exprimées lors de la croissance sur la cellulose, métabolisent la cellulose et d'autres substrats végétaux normalement, mais ont une capacité réduite pour hydrolyser des substrats chitineux et les champignons (Tolonen et al, 2014). Ces enzymes inhibent la croissance fongique par synergie pour hydrolyser la chitine, un composant principal de la paroi cellulaire fongique. C. phytofermentans augmente donc sa croissance sur la cellulose en lysant les champignons avec ses enzymes hydrolytiques les plus fortement exprimées. Actuellement, nos efforts se concentrent sur le développement d'outils d'ingénierie génétique pour le criblage à haut débit de mutant et la modification du génome à grande échelle de Clostridia.


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Fig 2

A. Un plasmide pour l'inactivation des gènes chez C. phytofermentans par un intron de groupe II.

B. L'intron de groupe II peut être re-ciblé par PCR en deux étapes pour s'insérer n'importe où dans le génome. 

C. L'inactivation du gène cphy3367 dans la souche AT02-1 a démontré que la dégradation de la cellulose nécessite une seule enzyme. Image de Tolonen et al, 2009.